Mes fantômes

Mes fantômes

Par Doug


J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie.

J’ai parcouru mon pays et ses terres éloignées. Je suis aussi allé sur des terres de désolation.

J’ai vu des paysages, magnifiques ou chaotiques, qu’une plume aurait bien du mal à décrire.

J’ai rencontré toutes sortes de personnes, de la plus extraordinaire à la plus abjecte, et abjecte me semble encore loin de la réalité.

J’ai vu la beauté et l’horreur, les deux étant parfois étroitement liés par la schizophrénie.

J’ai vu des actes qui forcent le respect, l’admiration, d’autres que je n’imaginais même pas qu’il soit possible de les accomplir tellement ils sont horribles.

J’ai côtoyé la souffrance, la peur et la mort, et je m’en rappelle encore. 

Oui. Je m’en rappelle encore, car elles ont gravé dans ma mémoire et mon coeur des images en relief indélébiles, des mines qui explosent parfois en pulvérisant mon quotidien. Et là, lorsque ces fantômes refond surface, je pleure car je suis désarmé face à l’horreur. En une fraction de seconde, je suis projeté dans un théâtre sans issues. La claustrophobie s’empare de moi. L’angoisse comprime mon coeur et mes poumons. Je ressens la pression de ces moments vécus, puissance dix. Des décors connus ressurgissent, des scènes macabres se reconstituent. Je revois des visages, des regards tétanisés par la peur et la souffrance. Je revois des corps d’hommes, de femmes ou d’enfants, démembrés, calcinés, violentés, rongés, putréfiés, autopsiés. J’entends des mots, des pleurs, des hurlements qu’aucune voix ne pourra atteindre et soulager. Prisonnier de mon petit théâtre macabre, je suis le jouet de mes fantômes, spectateur d’une souffrance et d’une horreur contre laquelle je ne peux rien faire. Ce sentiment d’impuissance et de solitude est terrible. Je n’ai nul part où aller. Il n’y a plus que moi et le spectacle morbide de ces tranches de vie excisées de ma mémoire au scalpel, sans anesthésie.

Alors, quand mes larmes ont suffisamment coulé, j’attends dans le silence. Mon regard cherche quelque chose où poser ses yeux et s’y accrocher pour s’ancrer dans la réalité. Quand j’ai réussi à amarrer mon esprit, je me redresse. Oui, c’est insignifiant en apparence, mais c’est ce que je fais. Poussé par l’instinct, je sors ensuite de chez moi et là, déambulant sans but dans les rues, j’observe les gens, les maisons, les voitures, les choses insignifiantes qui font le sel de l’existence. Je m’enivre de cette vie qui s’étale et grouille devant mes yeux. Très vite, une bouffée d’espoir et d’amour brut m’envahit. Alors, le coeur grisé de joie, je me jette à nouveau dans cette vie avec un formidable appétit de vivre.





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